Après le feu
- By Marianne
Le 12 août 2022, un incendie ravage une partie de la forêt de Brocéliande. La fumée qui s’élève dans le ciel est visible à des kilomètres, et les avions Dash sillonnent la zone pour maitriser l’incendie. Les dégâts qu’il cause font la une des journaux locaux. Les riverains suivent heure par heure le déroulement de la catastrophe. Les efforts conjugués des pompiers et des locaux viendront à bout des flammes au bout de 48 heures de lutte. Mais qu’en est-il de l’après ? À quoi ressemblent, un mois après le brasier, les 400 hectares partis en fumée ?
Dans ce paysage lunaire, le vent silencieux ne fait plus bruisser les feuilles des arbres. Les squelettes des genêts calcinés s’élèvent au milieu des rocailles noircies, seules rescapées des flammes. La poussière s’élève sous les pas, et glisse le long des reliefs. La terre, noire de charbon, est nue. Elle marque les traces de pas des curieux qui, comme moi, arpentent la lande nue. Le silence crie l’absence de vie, les oiseaux ont fui, laissant derrière eux leurs nids ; les insectes ont péri, les animaux qui peuplaient ces lieux ont laissé derrière eux des creux noirs, des flaques sèches, des terriers vides. Rien ne chante, rien ne craque, rien ne bruisse, dans ce désert de charbon.
Les animaux qui ont pu fuir l’ont fait. Tous n’ont pas eu cette chance. Les plus petits n’ont pu rejoindre la forêt préservée, et ont été dévorés par les flammes. Combien de fourmis, serpents, lézards et autres souris ont été surpris par les flammes ? Sans autre échappatoire, ils se sont trouvés en proie à la chaleur furieuse qui dévore tout sur son passage. De même, les nids abandonnés, transformés en cendres comme les branchages qui les soutenaient, ont laissé choir des œufs qui, fragilisés par la chaleur, ont constellé le sol d’une myriade d’éclats. Seuls quelques morceaux laissent au promeneur les indices qui lui permettent de comprendre ce qu’ils furent, ce qu’ils auraient dû être.
Ces landes n’étaient pas dépourvues d’activités humaines, et avec elles, de déchets. On imagine que les papiers et emballages plastiques ont brûlés eux aussi. Mais le tapis de feuilles, de mousse et de branchages n’étant plus, le sol de la forêt dévoile tout ce que les humains laissent et qui ne brûle pas. Ainsi, de nombreuses canettes de verre jonchent ces terres dévastées, au côté des cartouches de fusil, de boites de conserves et autres débris métalliques non-identifiables, faisant prendre la mesure de la quantité de détritus que dissimule, habituellement, un sol forestier incapable de les digérer.
Un mois seulement après l’incendie, la nature entame sa recolonisation de lieux. Ainsi repoussent déjà les premières plantes, sur un sol qui n’a pas été assez chauffé pour le rendre stérile. Fougères, scilles d’automne, mousses et pissenlits pointes déjà le bout de leurs feuilles. Même les genêts, en apparence calcinés, reprennent de leur base pour, dans quelques mois, fleurir à nouveaux. Un papillon volète au-dessus des rochers et se pose sur le sol nu. Un peu plus loin, des insectes fouisseurs creusent leur terrier, et une fourmi parcourt la mousse desséchée au pied d’un arbre.
Après le feu, c’est donc toute une biodiversité qui se réinstalle, et avec elle l’espoir d’une lande à nouveau pleine de vie d’ici quelques années.